Sous les rayons de la lune [Sôji Okita]

La jeune femme soupira une nouvelle fois. La ville était calme. Cela lui changeait après la bataille qu'elle venait de mener. Un groupe d'Ishin Shishi a assassiné. Et ils n'étaient pas de très haut niveau car Eiko s'en était occupée toute seule comme une grande. Elle en avait profité pour prendre son repas, donc elle avait vidé deux des hommes de tout leur sang. Avec cela, elle tiendrait jusqu'au milieu de la matinée. Après, il faudrait qu'elle se réveille pour prendre une nouvelle dose. Triste compensation pour que son corps ne vieillisse pas, mais elle n'avait pas le choix et cela ne l'avait jamais dérangé de boire du sang. Le sang humain était bien meilleur d'ailleurs, unique pour chacun, un vrai délice chez les jeunes femmes vierges, infectes chez les hommes ivres.

Léchant les dernières traces de rouges sur ses lèvres pulpeuses, elle entra dans le Domaine du Shinsengumi. L'avantage de revenir à cette heure, c'était que Shinpachi, Sanosuke et Heisuke étaient déjà couchés. Elle n'aurait donc pas à supporter leurs blagues stupides. Marchant calmement, elle arriva dans la cour aux cerisiers. Elle aimait se rendre ici, seule. Elle pouvait être tranquille.

Elle y arriva et sourit légèrement. Elle s'assit en seiza sous un des arbres fleuris, son naignata et son wakizashi posés près d'elle. Le vent soufflait doucement, faisant voleter ses cheveux blancs toujours attachés. Elle ferma ses yeux rouges et inspira à fond pour se détendre. Le reste de la nuit allait être comme elle les aimait : silencieux ! Sans personne pour lui tourner autour, et de toute manière si quelqu'un venait l'embêter, un bon coup de naginata était toujours terriblement dissuasif. Surtout venant de Melle Kondo, fille adoptive du Président du Shinsengumi.

La demoiselle n'ouvrit même pas les yeux en entendant une voix s'adresser à elle. Elle la connaissait bien et ne pouvait pas supporter la présence de son propriétaire : Sôji Okita. Ce qu'il pouvait l'agacer, elle trouvait que ce n'était qu'un sale prétentieux. Déjà capitaine, si jeune. Et malade. Malgré son talent pour manier la lame, un malade n'avait rien à faire sur un champ de bataille. Eiko n'avait pas besoin d'écouter aux portes les réunions des trois têtes pensantes du Shinsengumi pour savoir que des temps sombres s'annonçaient. Les Ishin Shishi se faisaient de plus en plus présents dans la ville. De plus, le Clan Tosa laissait s'enfuir des Rasetsu qui ne se contrôlaient pas et qui semaient la mort chaque nuit.

Sortant de ses pensées, elle s'adressa au jeune homme près d'elle de sa voix indifférente sans bouger. Ses paupières restèrent closes. Seul le vent faisait virevolter ses cheveux et les pans de son kimono bleu du Shinsengumi.

- Okita-san, que fais-tu ici à cette heure ? Ne devrais-tu pas dormir ?

Elle ne pouvait pas le supporter et ce qu'elle détestait le plus chez lui, mais qui l'attendrissait dans un sens, était son insupportable espoir de la voir se dérider un jour. Elle n'état pas présente ici pour s'amuser mais pour tuer. Chaque personne a, sur Terre, un rôle à tenir. Le sien, et celui de presque toutes les personnes du Domaine, était de prendre des vies. Pas de donner quelque chose. Ils étaient là uniquement pour prendre sans vergogne. Restant tout en seiza sans bouger, la jeune femme espéra que Okita la laisse tranquille. mais c'était très mal connaître le jeune Capitaine que de croire en cet insensé voeu.

* Et inutile surtout*

Ce qu'il pouvait être culotté ce prétentieux ! Oser lui parler de cette manière et surtout lui demander cela ! Il avait de la chance d'être important aux yeux de Kondo Isami, sinon Eiko en aurait déjà fait son dîner ! Du sang de Rasetsu, elle n'avait jamais goûté, elle se demanda quel goût cela pouvait bien avoir. Seulement elle voulait éviter d'avoir Hijikata sur le dos, en plus de Chizuru. En parlant d'elle, à quoi servait-elle au juste ? Pourquoi Hijikata la prenait-elle sous son aile ? Ce n'était pas juste, elle ne savait pas se battre, elle faisait du thé froid et elle se ridiculisait tous les jours avec ses commentaires moralistes alors qu'elle n'avait même pas conscience du danger sur son cher "Hijikata-san" courait à chaque instant.

Oui, certes, Eiko était rongée par la jalousie. Chizuru ne servait qu'à couper les légumes pour elle, elle était inutile et n'avait pas sa place parmi les membres du Shinsengumi. Cependant la jeune Rasetsu n'avait pas d'autres choix que de se plier aux ordres de ses supérieurs, elle l'avait donc accepté, à contre-coeur cela allait sans dire. Ouvrant ses yeux rouges, elle vit un pétale de la fleur dans ses cheveux du coin de l'oeil avant de fixer Okita.

- En effet, cela serait terriblement déplacé, Okita-san, lui répondit-elle d'une voix froide. D'autant plus que mes activités ne concernent que moi et Kondo-san.

Elle allait reprendre la parole lorsqu'elle sentit une présence. Sans bouger ni faire le moindre commentaire, ni même quitter le jeune homme des yeux, elle se concentra pour localiser l'intrus. Un membre du Domaine ne tenterait pas d'être si discret. Manque de chance, les sens aiguisés des Rasetsu n'étaient pas faciles à tromper.

- Okita, murmura-t-elle.

Il n'avait pas ses armes mais de toute manière Eiko pourrait se charger seule de l'intrus. Cependant, elle préférait que Okita ne soit pas dans ses pattes, qu'il se tienne près à s'éloigner en cas d'attaque. Les muscles bandés, la jeune femme ferma de nouveau les yeux. Si jamais la présence s'avisait de bouger, la Rasetsu allait se charger de la trancher en deux.

Ce que c'était ? Aucune idée... La demoiselle se tendit encore un peu plus. Un espion ? Mais comment ? Il était vraiment très bon s'il avait pu arriver jusqu'ici sans rencontrer la moindre résistance. Yamazaki était parti en mission, donc déjà c'était un rempart de moins. Harada et Todo étaient en train de faire leurs rondes, deux combattants expérimentés. Bon, d'accord, il étaient très bon au combat mais pas vraiment en repérage d'intrus. Donc, encore un rempart de moins. Eio soupira lourdement. En réalité la sécurité laissait vraiment à désirer ! A moins que cette personne soit un membre du Domaine qui voulait leur faire une farce. Nagakura peut-être...non, il devait dormir comme un loi à cette heure-ci.

- Je n'en sais rien, répondit-elle dans un murmure.

La jeune femme se leva souplement et, son naginata à la main, son wakizashi remit à sa ceinture, elle fronça les sourcils et scruta les hauts murs d'enceinte. Elle se tenait bien droite, ses cheveux volaient doucement dans le vent frais de la nuit. Son visage fermé et ses lèvres pulpeuses ne reflétaient aucune expression. On aurait dis une poupée dressée sous les rayons de la lune. Cependant, lorsqu'elle prit la parole, sa voix claqua aussi sèchement qu'un fouet :

- Sortez de votre cachette ! La discrétion n'est pas vraiment votre fort !

Le silence dura une seconde avant qu'un rire grave ne résonne. Les muscles tendus à s'en déchirer, la jeune femme était prête à n'importe quel geste. Et heureusement, sinon elle aurait eu la gorge tranchée. Elle fit un pas de côté au moment où l'intrus lui fonçait dessus, katana au poing. Elle sauta lestement pour l'esquiver et se retrouva près de Okita. La personne se retourna. Une jeune homme, des cheveux blancs, des yeux dorés et des cornes sur le front. Un Oni. Sans doute envoyé par Kazama pour tenter de récupérer Chizuru. Il rit de nouveau et se mit en position de combat sans dire le moindre mot. Malgré son aversion pour la jeune Yukimura, Eiko n'avait pas d'autre choix que de la défendre en tranchant la tête de cet Oni. Ce qu'elle pouvait l'agacer cette petite, même pas capable de se défaire de ses problèmes toute seule ! Elle n'avait pas signé pour défendre une incapable elle ! Cependant elle se mit en position de combat à son tour, son naginata bien en main.

- Pars, sinon je n'aurais aucun remord à te trancher la tête.

Menace en l'air, bien entendu, mais elle laissait toujours une chance aux ennemis de fuir avant de les tuer. Question de principe.

Okita venait de se dissimuler derrière l'arbre. Parfait, il ne la gênerait aucunement. Elle fixa le Oni face à elle et sauta lestement sur le côté lorsqu'il la chargea. Lui avait-on coupé la langue ? Oh et puis ce n'était pas son affaire, elle se devait juste de le tuer, point barre. Certes les Oni avaient une régénération absolue incroyable mais la tête tranchée, c'était la mort assurée. Elle fonça droit sur lui, les sourcils froncés et le naginata en avant. Il esquiva. Il était rapide, mais pas assez. Elle allait finir par l'avoir. Elle tentait d'être la plus discrète possible pour éviter de réveiller tout le Domaine mais les rires du Oni rattrapaient parfaitement ses pas de loups. Ce qui avait le don de l'agacer.

- Tu commences à m'énerver, à rire de la sorte, gronda-t-elle d'un air noir.

Fronçant le nez, elle se jeta avec violence sur lui. Inutile d'y aller en finesse et agilité avec un adversaire de la sorte, autant lui rentrer carrément dans le lard. Elle le râta de peu, il fit un pas sur le côté pour esquiver l'impitoyable lame du naginata, mais un mouvement sec et le sang du Oni gicla. Elle lui avait coupé net un bras. Un sourire carnassier s’inscrivit sur ses lèvres pulpeuses, dévoilant ses crocs tranchant à la lumière de la lune.

- Et d'un...

Elle se jeta de nouveau sur lui alors qu'il se préparait à bondir, lui tranchant le second bras d'un geste précis et rapide avant de sauter et de se poser sur une des branches de l'arbre. Son sourire était de plus en plus dangereux et agressif. Elle sentait couler dans ses veines l'adrénaline des combats. L'odeur métallique du sang lui chatouillait délicieusement les narines.

- ...et de deux...

Pour terminer, elle piqua sur lui. Son mouvement fut fluide, le sang sembla flotter une seconde dans l'air autour de la jeune femme avant de lui redécorer le kimono alors qu'elle retombait légèrement sur ses genoux, une main sur le sol, l'autre tenant son naginata.

- ...et de trois.

A côté d'elle, la tête du Oni tomba, détaché de son corps, avant qu'ils ne partent tous les deux en cendre.